Nous progressons depuis Langmusi sur une piste raide qui nous fait passer deux cols.

  Le temps n'est pas au beau fixe. Le ciel est charge de lourds nuages gris et le froid s'est installe. Apres 70km de piste dans des paysages deja connus: troupeaux de yaks dans l'infini des etendues vertes, nous arrivons a Maqu. 

L'ambiance de cette ville est loin d'etre des plus agreable. Nous nous faisons alpaguer plusieurs fois dans la rue, sans comprendre reellement ce qui se passe. Rien de bien mechant, mais l'atmosphere ici est bien moins detendue qu'a l'accoutumee. Nous resterons une journee pour nous reposer et reprendrons la route pour Pedma, qui a notre grande surprise est goudronnee. Les petits cyclistes que nous sommes sont ravis de constater une fois de plus que les gros chiens tibetains, sorte de nounours noirs, sont attaches pret des tentes a de lourdes chaines. Etant dresses a garder les alentours des tentes et les troupeaux pendant la nuit, ils se reposent la journee, etalees a terre, nous laissant tranquille lors de notre passage, et ayant a peine la force d'aboyer de leur voix sourde. C'est un vrai bonheur pour nos mollets qui ne sont jamais convoites... Nous passons la nuit sous notre tente, a cote de celle de nomades qui nous invite a boire du the et a manger de la tsampa.

  Le lendemain, le paysage change et c'est a cote du fleuve jaune qui s'etalle au fond d'une large vallee que nous avancons, avant de retrouver les alpages, les yaks et nos amis les nomades chez qui nous seront une fois de plus convies.

  Dans la descente qui nous mene a Pedma un site impressionnant s'offre a nous. Une montagne est recouverte de drapeaux a prieres rouges au milieu de quoi trone un Bouddha immense.

  Depuis Juizhi trois jours de velo nous separent de Pedma. Sur cette belle route asphaltee, nous enchainons les cols les uns apres les autres sous un soleil de plomb et une chaleur accablante: Le premier jour nous nous envolons pour trois cols situes a plus de 4000m d'altitude.

Les nomades ponctuent toujours l'espace de leurs grandes tentes marron en poils de yak, mais des montagnes douces et verdoyantes surgit maintenant un massif de montagnes plus acerrees. Il s'agit du massif du Nyempo Yurtse, montagne sacree dans la culture bouddhiste. Au pied de celle-ci s'etend un lac bleu azur dans lequel les pelerins viennent immerger des sacs funeraires de cendres des defuns incineres. Le fond du lac est rempli de ces depos, et noirci par les cendres ainsi rependues. Nous qui pensions pouvoir utiliser l'eau du lac pour preparer notre repas du soir!... Le sol des alentours du lac est recouvert de mille fleurs bleues et d'eddelweiss. Nous profitons de la soiree, apres avoir etabli notre camp devant le lac, en regardant s'eteindre doucement le soleil sur nos premiers sommets enneiges...

  Nous restons le lendemain pour randonner au bord du lac, et ainsi nous acclimater un peu plus a l'altitude qui se fait sentir. Nous marcherons plus de sept heures pour voir apparaitre le sommet et le glacier du Nyempo Yurtse, jusque la cache par d'autres sommets plus prets.

 La distance, dans ces immenses espaces d'altitude, prend une dimension toute particuliere. Nous ne pensions pas a avoir a parcourir autant de distance... Des drapeaux a prieres sont tendus au dessus de chaque faille ou fissure de la montagne. Dans la tradition bouddhiste, les lieux sacres sont aussi bien des temples construits de la main de l'homme que des lieux particuliers trouves dans la nature. Ainsi, un sommet, un col, une riviere, une grotte, etc, peuvent faire l'objet d'un culte, et etre parre de mille drapeaux. Au pied d'un rocher peint d'ecritures tibetaines, un corps enveloppe a ete depose... Nous n'osons pas nous en approcher... Toujours est-il qu'en ces lieux regne une atmosphere de deuil...
  La suite de la route nous permet de rejoindre un enieme col a 4200m depuis lequel nous appercevons d'un cote le massif du Nyempo Yurtse que nous venons de quitter et de l'autre le massif de l'Amnye Machen, autre sommet sacre dont les pelerins font le tour pour effectuer une Kora. Notre route nous amene a contourner le massif du Nyempo Yurtse.

L'ultime col de la journee nous fait passer au point culminant de 4400m. Nous passons a Langkar Gompa avant d'atteindre la ville poussiereuse ou se dresse l'important site de Thartang monastery, que nous rejoingnons sous un orage de grele. Le soir nous dinons d'une soupe au piment (un jus bien rouge et bien chaud nous decolle la paroie de notre palais), ce qui nous laissera peu de souvenir de la saveur des momos (Raviolis a la viande de yak) que nous avalons ensuite, tant notre bouche en a ete anesthesiee... Pour couronner le tout nous dormons dans la chambre la plus piteuse que nous n'avons jusque la jamais degottee. Il faut se rejouir: Nous avons un toit!
  En quittant la ville, le jour suivant, nous longeons un mur de deux kilometres de moulins a prieres, pour pedaler ensuite en suivant la riviere d'une jolie vallee.

Nous arrivons a Pedma en debut d'apres-midi. Nous essuyons moultes refus dans les hotels. Personne ne nous acceptent... Nous decidons donc d'attendre et de laisser faire le temps...Notre resistance aura raison de leur patience, et nous reussissons a obtenir une chambre. Malheureusement la ville a de gros problemes d'eau. Il faudra attendre le lendemain pour pouvoir deguster la bonne douche dont on revait... Un policier venu nous enregistrer a l'hotel nous expliquera que cette ville est interdite aux touristes. Encore une fois, fallait-il le savoir...