Phnom Penh: Ca grouille, ca roule dans tous les sens, ca double n'importe comment, et pourtant ca fonctionne, ca reste fluide, ca coule...
Nous apprenons a gerer le flux important de circulation qui regne dans cette capitale. A velo, a notre arrivee nous nous faisions doubler aussi bien par la gauche que par la droite. A pieds, il faut oser se jeter a travers le flot de voitures, tuk-tuk, motos, velos, pousse-pousse, etc, sans quoi on ne peut jamais traverser, le flux etant continuel... Et pourtant, dans ce marasme de circulation, personne ne s'ennerve, tout le monde s'arrange et trouve sa place, du moment que ca passe! Une circulation a l'image du pays qui tente de se frayer un chemin dans l'histoire difficile qui a ete la sienne sous le regime de Pol Pot, qui avance malgre les embuches...

  Phnom Penh sera aussi le carrefour de notre route et de celle de nos amis bretons, Caro et Gael, qui arrivent a velo de l'ouest du globe. Les journees sont trop courtes pour nous raconter nos derniers mois respectifs de voyage. Que le temps passe vite quand on est en bonne compagnie!

   Depuis Phnom Penh, nous partons visiter, en compagnie d'Arnaud et Julie (nos tandemistes normands) le site de Angkor, ancienne capitale de l'Empire khmer qui prospera du IXe au XVe siècle. Angkor est l'un des sites les plus visites de la planete. Le touriste fait donc partie integrante du decor, mais les mefaits de ce tourisme de masse et ce qu'il engendre, ne nous feront apprecier qu'a moitie ce site pourtant exceptionnel. Partout les locaux nous harcelent en nous suivant et hurlant: "Buy something, buy something, buy something...", que ce soit pour manger, boire, acheter quelques "souvenirs" des plus horribles, ou autres objets inutiles... Le pire etant que les adultes se servent de leurs enfants pour quemander au touriste quelques dollars: Trois enfants, les mains jointes, le regard dirige vers le sol, se tenant debout devant une boite sur laquelle est inscrit " Poor children", declament de concert des "Hello Mister, hello Miss, have a goog day" pour obtenir des dollars que les touristes veulent bien leur donner. Quel avenir pour ces enfants qui devraient etre a l'ecole au lieu de debiter machinalement la seule phrase d'anglais qu'ils auront appris dans leur vie? Quelle idee miserable de la part des parents qui utilisent ainsi leurs enfants. Quelle honte de voir des occidentaux lacher quelques billets, et voire meme en meme temps parfois une petite larme, pour satisfaire leur culpabilite. Haaa, on se sent mieux apres avoir agit de la sorte! On se dit qu'on a "aide" ces enfants dans la detresse... Mais que lui a-t-on appris?......La mendicite!

   La ville de Siem Reap n'est egalement qu'une grande galerie marchande, nous passerons donc deux jours sur le site en essayant de faire abstraction des demarcheurs qui ne nous laissent plus d'autres choix que l'indifference, sans quoi nous aurions passe nos journees a repondre "no" toutes les cinq minutes...

   Nous profitons tout de meme de l'atmosphere exceptionnelle qui regne en ces lieux. Les sites sont une imbrication de pierre ou de briques et de vegetation. La nature a envahit les temples. Des arbres centenaires ont pousse au beau milieu des constructions, et ce melange rend le tout tres impressionnant. Les racines qui, en poussant, ont parfois fait ecrouler certaines parties des temples, participent par contre aussi a preserver les edifices, enfermant les pierres dans leurs bras de bois.

  Avec les lumieres rasantes des levers et des couchers du soleil, le site prend encore une ampleur supplementaire. Nous deambulons, tels de vrais explorateurs, dans les meandres de ces temples. Nous baladons notre regard dans chaque recoins qui nous revelent souvent des surprises: Des bas-reliefs extraordinairement bien concerves ou des sculptures rafinees.

   Apres avoir fait un saut en arriere de quelques siecles, nous plongeons, de retour a Phnom Penh, dans l'histoire plus recente du Cambodge. Nous visitons le musee de Tuol Sleng. Cet ancien lycee avait ete transforme par les Khmers rouges en centre de detention, de torture et d'execution entre 1975 et 1979. Le lycee avait alors comme nom secret prison de Securite 21 ou S-21. Les Khmers rouges enfermaient a S-21 tous les opposants supposes au regime, sur n'importe quel motif. Les personnes enfermees etaient aussi bien des jeunes que des personnes plus agees. Il y avait des femmes, des enfants, et parfois des familles entieres (bebes y compris) d'ouvriers, d'intellectuels, de ministres et de diplomates cambodgiens, mais aussi des etrangers (Indiens, Pakistanais, Anglais, Americains, Canadiens, Australiens...). Le simple fait de porter des lunettes (y compris pour les enfants) etait suffisant pour etre considere comme intellectuel et donc « a exterminer »...

  Un voyage dans un temps malheureusement pas si lointain... Autant dire que cette horreur date d'hier... Inhumanite de l'homme (Quel paradoxe!), pouvoir, uniformisation de la societe, suppressions des groupes ethniques: Autant de mots que nous execrons, et qui pourtant ont ete une realite au Cambodge (comme malheureusement aujourd'hui encore dans bien d’autres pays).

  Nous ressortons bouscules de ces lieux charges d’histoire: Remplis de hargne contre ces atrocites que nous ne comprendrons jamais, vides par tant d’emotion, marques par cette histoire qu’il ne faut pas oublier et recharges pour agir et faire que ca ne puisse plus recommencer... Dans nos tetes, nous ne pouvons nous empecher de penser a tous ces gens que nous avons croise sur notre route depuis notre arrivee au Cambodge, et qui ont forcement vecu la totalite ou une partie de cette horrible page d'histoire. De quel cote etaient-ils lors du regime Pol Pot? Complices, refractaires, insouciants, embrigades?...
  Difficile pour une population de se reconstruire apres une telle catastrophe humanitaire...Et pourtant nous restons admiratifs de la force dont fait preuve le peuple cambodgien, qui, une trentaine d'annees apres cette histoire, parvient a etre un peuple calme, si accueillant et tellement souriant! Une belle lecon de vie que nous esperons garder longtemps en memoire...