Le calme apres la tempete...

  Depuis Jinghong il ne nous reste qu'une journee et demie de velo dans des paysages de jungle primaire pour rejoindre Mohan a la frontiere Chine-Laos. Quel sentiment etrange de se diriger vers un ailleurs inconnu, de savoir que nous allons decouvrir un autre pays, meme si les frontieres ne sont que des lignes virtuelles qui ne definissent pas grand chose a part des proprietes terrestres, et que tres souvent les paysages restent identiques des deux cotes, voire les populations similaires. Qu'allons nous voir, sentir, entendre de l'autre cote de ce trait epais que nous regardons depuis longtemps sur la carte et vers lequel nous nous dirigeons? Les choses vont-elles changer du tout au tout quand nous aurons franchi cette ligne? En attendant c'est du cote chinois, a Mohan, dans l'atmosphere d'une ville en construction (une enieme) que nous pensons a tout cela le temps d'une journee de repos. Voila maintenant trois mois que nous sommes en Chine, que nous baignons dans ce monde qui va trop vite pour nous, et qui souvent nous depasse, et a la veille de quitter ce pays, il nous est impossible d'en faire une synthese... La Chine??? On la deteste autant qu'on l'aime. Elle nous saoule autant qu'elle est attachante. Elle nous remue, elle nous questionne, souvent elle nous deroute, en tous cas elle ne nous laissera pas indifferents. Parfois on se dit qu'on a tout compris du fonctionnement chinois, mais l'instant d'apres on tombe de haut, cloues au sol par tant d'incomprehension. Les chinois??? C'est pareil... Tres honetes, toujours aidants, prets a se couper en quatre pour faire votre bonheur (d'ailleurs les chinois iront toujours dans le sens de ce que vous dites, pour simplement vous faire plaisir. Surtout si, dans votre question vous apportez deja une reponse, du genre -"c'est bien par la le marche?"-"Oui, oui..." alors qu'il est de l'autre cote...), mais pourquoi dire bonjour ou merci est-il si complique? Habitudes culturelles, impolitesse? L'autre a-t-il la meme valeur, la meme consideration ou la meme place lorsqu'on est plus d'un milliard a habiter le meme pays? Autant de questions auxquelles il nous est toujours et encore difficile de repondre...Un pays au fonctionnement bien complexe, comme nous le sommes certainement pour eux, quand, depuis leur point de vue ils regardent vers l'Est...

  Et puis ca y'est, quelques tours de pedalier, on s'arrete, on fait la queue sur un chemin balise par des barrieres, on passe le guichet du poste de frontiere chinoise. Un clavier avec des boutons affichant des petites tetes plus ou moins souriantes s'illumine: Il nous faut appuyer sur le smile correspondant a notre taux de satisfaction concernant le travail des douaniers! Quelle organisation... Encore quelques tours de roues, et la, plus de barrieres, c'est la cohue... Tout le monde se bouscule et chacun passe devant l'autre pour etre le premier a faire tamponner son passeport. Les locaux de la douane Laotienne ne sont pas aussi reluisants que ceux du cote chinois... Nous avons change de pays, et cela se voit... Quel changement economique en si peu de metres... Le standing ne sera plus celui de la Chine. Finies les grandes chambres avec ordinateur et clim' pour 10 euros!

  Mais en contre partie nous avons tant gagne: Des nos premiers kilometres nous sommes surpris de n'entendre que le bruit de notre respiration, de notre pedalier, des vitesses que l'on passe les unes apres les autres pour accelerer et en decouvrir encore plus de ce pays qui nous seduit d'emblee... Plus de klaxons stridants qui nous faisaient sursauter. Plus de traffic infernal ni de nuage de pollution que crachaient les camions chinois. Ici, on respire. Plus de gens qui eructent et crachent a longueur de temps. Plus de television qui hurlent dans les maisons, magasins ou restaurants. Finis les dechets, papiers, detrituts de tous genre jetes partout par terre, qui recouvraient le sol des restaurants: Ici on se dechausse pour entrer dans les espaces interieurs, que ce soit un temple, une maison ou meme un cyber cafe! Notre premiere impression du Laos sera donc celle-la: un retour au calme.

  Quel plaisir de baigner dans cette atmosphere sereine qui s'affiche d'ailleurs jusque sur les visages doux et souriants des gens que l'on croise. 

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  Tout au long de notre route les enfants nous lancent des "Sabai dee" (bonjour) accompagnes de larges gestes de la main pour nous saluer. Nous nous sentons accueillis...

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 Nous traversons plusieurs petits villages. Les maisons sont fabriquees en bois et bambou et sont souvent surelevees sur pillotis. Le toit est recouvert de nates de feuilles de bambou superposees les unes aux autres.

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 A seulement quelques kilometres de cette Chine polluee par le sur-developpement inscessant, nous traversons ici des villages ou l'eau courante et l'electricite n'existe pas. Nous terminons notre etape jusau'a Udomxai de nuit, et profitons ainsi de la vie locale. Les habitants font un feu de bois devant leur maison autour duquel ils se retrouvent en famille et preparent leur repas. Des scenes bien rustiques qui nous feraient presque voyager dans des temps ancestraux... Le riz reste la cereale de base des repas.Il permet parfois de preparer des sortes de spaguetti qui baignent ensuite dans une soupe pimentee, ou bien il est reduit en farine, associe a de l'eau et petri pour former une pate epaisse qui sera soit cuite au feu de bois soit mangee telle quelle.

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  A Udomxai nous faisons la rencontre de Pablo. Cet argentin parcourt le monde sur son velo depuis deja neuf ans... Nous partageons notre repas du soir avec lui et Delphine, une cyclo francaise, et ce sera l'occasion d'echanges cyclopediques bien interressants... Le lendemain nous entamons notre journee en avalant deux baguettes tartinees de vache qui rit! On ne nous avait donc pas menti... Il y a donc encore des restes de la presence francaise des annees 1893-1954 au Laos. Pour preuve il n'est pas rare de voir des laotiens jouer a la petanque! La route montagneuse de faufile au milieu d'une jungle dense. Dans les villages nous assistons a des scenes de vie. Le coton seche au soleil.

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  La, une dame file le coton, a cote une autre le tisse assise sur un metier a tisser en bois. Plus loin ce sont des galettes d'algues du Mekong que les gens etalent au soleil.

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  Assise par terre une dame tresse des feuilles de bambou, ensemble qui sera destine a recouvrir le toit des maisons. Dans les rizieres, on plante, on seme, on nettoie. Le soir, arrives a Pakmong, nous mangeaons notre premeir riz gluant. Ce riz est une variete differente des autres riz. Il en existe du blanc et du violet. C'est un riz naturellement collant qui est servi dans des petites boites de bambou tresse. Celui-ci se mange avec les doigts. Il faut former une boulette et s'en servir pour attraper un morceau de viande ou de poisson avant de porter le tout a sa bouche. Les baguettes, que nous parvenions pourtant a maitriser apres trois mois d'execrcice, ne sont plus d'actualite. On se sert au Laos d'une fourchette et d'une cuillere a soupe. La particularite etant que la fourchette ne sert qu'a pousser les ingredients dans la cuillere (comme on se sert du couteau chez nous). Porter la fourchette a sa bouche est une marque d'impolitesse extreme! Mais le mieux ici c'est qu'on peut tout manger avec ses doigts, alors sur les marches on n'hesite pas a s'acheter du poisson grille ou des brochettes de poulet que la vendeuse nous emballe dans une feuille de bananier qui servira d'assiette... On part s'assoir sous un cocotier, avec vue sur le Mekong et on depiaute, on arrache, on dechire la chair et on se regale, surtout en se disant que chez nous ca se fait vraiment pas de manger comme ca!

  Au depart de Pakmong nous roulons parmis le flot des ecoliers en partance pour leur etablissement. Nous voila a leur cote, pedalant de concert, echangeant quelques mots en anglais. Une ambiance bien sympathique dans laquelle nous pedalerons pendant une bonne quinzaine de kilometres.

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  Lors d'une pause dans une gargote, nous echangerons, le temps d'avaler notre soupe aux pates de riz, avec un jeune moine. Celui-ci est venu rendre visite a sa famille qui habite un village situe a plus de 100km de Luang Prabang. Lui est encore etudiant est vit a Luang Prabang. Interresse par notre voyage, il nous posera des tas de questions sur le lieu de notre provenance, sur le temps qu'il nous reste a voyager, etc. Nous longeons ensuite le Nam Ou, belle riviere ou avancent des pirogues, bordee de montagnes abruptes aux falaises impressionnantes. Les montagnes ici sont des pitons pointus qui crevent le ciel ou la brume le matin.

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  Nous arrivons au coucher du soleil a Luang Prabang en longeant le Mekong. Apres le flot de scooters et velos parmis lequel nous avons fait nos derniers kilometres, c'est dans un flot de touristes que nous plongeons completement. Luang Prabang, bienqu'etant une belle et agreable ville, n' est plus ou moins qu'un grand village de vacances... Chaque maison a ete transformee en guesthouse ou hotel, ou abrite un restaurant chic. A chaque coin de rue s'etalent les stands qui vendent des sandwitshes (meme au nutella!!), crepes, jus de fruits,... Heureusement que nous trouvons un retaurant qui prepare de la cuisine locale, ce qui nous permettra de decouvrir des saveurs incroyables, comme le poisson cuit dans une feuille de bananier ou encore le poulet cuit dans des branches de citronnelle... Rien a voir avec le panecake du coin!

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  Et apres avoir goute a ces nourritures terrestres, c'est de nourriture spirituelle que nous partons faire le plein les jours suivants, en visitant la quasi-totalite des temples de la ville. Les temples bouddhistes sont ici bien plus depouilles que ne l'etaient les temples tibetains. L'interieur est tres sobre. Un bouddha dore est place au centre du temple. Les murs interieurs sont parfois decores de peintures, mais celles-ci sont tres naives, tandisque les murs exterieurs sont blancs ou ornes de mosaiques evocatrices de l'histoire de Bouddha. Au dehors, un gong est place devant le temple. De petits autels accueillent des offrandes comme par exemple de jolies confections de feuilles de bananiers enroulees et surmontees de fleurs oranges. Il est meme possible d'acheter une petite cage contenant deux petits oiseaux. Les pratiquants les liberent en priant et joignant leurs mains ramenees sur leur front. Les moines sont habilles de toges orange vif et ont le crane rase.

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  Dans l'un des temples nous assistons a des offrandes demesurees de la part de la famille d'un moine. Arrivent sur des portants maintes choses qui serviront au quotidien du moine: couverture, nattes pour dormir, foyer en terre et panier de bambou servant a faire suire le riz, paniers garnis de fruits et autres victuailles, etc... Le tout est joliment decore.

 

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  Nous deambulons dans les ruelles calmes de la ville alors que le soleil cogne. Les chauffeurs de tuk-tuk font la sieste dans leur vehicule. Les chiens, allonges de tout leur long dorment a l'ombre. Tout tourne au ralenti. Le soleil nous cuit la figure. Deja, pendant les derniers jours de velo nous avions souffert de la chaleur. Il va maintenant falloir nous acclimater a ces temperatures elevees. Notre doudoune et sac de couchage ne nous servent plus a grand chose maintenant. Nous avons sortis les tongues, les shorts et les t-shirts. Et malgre cet accoutrement nous avons encore trop chaud... Mais cela nous donne une bonne excuse pour suivre le rythme lent qui regne ici et qui est bien agreable. Le temps n'est plus le meme. Ce n'est plus le temps du systeme chinois ou il faut courir, le temps du "contre la montre", du "toujours plus" et du "toujours plus vite". La vie ici coule, aussi calmement que le fait l'eau dans le lit du Mekong... Alors on regarde ce fleuve, en se disant qu'il a bien raison d'aller si lentement, et le temps passe... Le soleil descend. On boit une biere Lao en le regardant se coucher, appaises, sereins, heureux...