Nous quittons Luang Prabang apres y avoir passe quelques jours. Entre visite de la ville, reparation du moyeu arriere de Zephyr, repos, decouvertes culinaires et preparatifs pour la suite du trajet, le programme de notre halte sera bien rempli... Le dernier matin nous assistons a la ceremonie des moines qui se deroule dans la rue. Ceux-ci viennent recueillir du riz offert par les locaux, en echange de quoi les religieux s'occuperont de prier pour leurs ames. Cette pratique est quotidienne pour les moines, tandisque les locaux ne l'effectuent que pour des occasions importantes, comme a la veille d'un mariage par exemple.

  Changement de mode de transport: C'est, ambarques sur un bateau, que nous laissons disons au revoir a cette charmante ville, pour nous laisser glisser sur l'eau du Mekong, vers l'ouest du pays. Depuis notre ambarcation nous observons la vie du bord du fleuve: Certains locaux binent le sol sableux (seuls espaces denues de cette jungle primaire qui envahit le reste du paysage) avant d'y planter quelques graines de salade ou carottes, d'autres s'affairent a tirer leurs filets hors de l'eau remplis d'une peche plus ou moins miraculeuse, tandisque plus loin on cherche, non plus quelque chose a se mettre sous la dent, mais bel et bien des pepites d'or qu'on pourra se mettre dans la poche...

  La lenteur de notre moyen de transport nous permet de profiter des rives du fleuves. Nous appercevons des petits villages seulement accessibles par voie fluviale. Nous sommes bien loin, malgre le peu de kilometres parcourus, des belles maisons coloniales de Luang Prabang, et de son opulance culinaire...

   Apres presque 7heures de navigation, le bateau nous debarque, avec nos velos et nos sacoches, sur une plage de sable... Une impression etrange: Celle d'etre perdus au milieu de nulle part, tel des Robinson echoues! Nous passons la nuit dans la seule petite guesthouse du hameau. Une petite dizaine de maisons composent ce village perdu. Trouver a manger reste une operation difficile, mais nous trouvons quand meme du Kaw Niaw (prononcez Kao Niao = Riz gluant), base de l'alimentation locale et conserve dans des boites de bambou tresse.

  Apres une nuit des plus calmes, c'est la musique d'un voisin qui reveille progressivement tout le village. Les gens ont coutume de se lever en meme temps que le soleil et de se coucher peu de temps apres lui. Nous adoptons ce rythme naturel qui nous permet de commencer notre journee de pedalage a la fraiche (Si tant est qu'il puisse faire frais...!). Nous empruntons une piste de terre pour rejoindre la ville de Hong Sa. Sur notre route, et dans un brouillard epais, nous restons a l'affut de tous bruits ou toutes pistes qui nous indiqueraient la presence d'elephants.

  Nous savons que dans cette region les locaux travaillent toujours de facon traditionnelle avec environs 70 elephants dresses. Ceux-ci servent au portage de troncs d'arbre, dans les endroits peu accessibles du fin fond de la jungle. Malheureusement nous ne les verrons pas travailler, mais nous aurons toutes fois l'oportunite de faire une petite balade sur le dos de l'un d'eux pendant deux heures. Nous sommes surpris de voir a quel point une reelle complicite existe entre l'animal et son cornac. Pendant notre promenade, Damien prendra la place du cornac, assis sur le cou de la bete, les genoux places sur les oreilles servant a la diriger!

  Apres cette experience elephantesque, c'est une experience cyclopedique de taille qui nous attend le lendemain. La route sur laquelle nous avancons ne s'averre etre qu'une succession de murs a gravir, les uns plus pentus que les autres... Impossible de rouler, il faut pousser... Nous enchainons les descentes spectaculaires et les epreuves de force pour pousser nos velos bien trop lourds, sous une chaleur qui nous fait litteralement fondre. Nous degoulinons! Jamais nous n'avions connu de pentes aussi raides. C'est simple, les routes ont ete construites au plus court en distance, au lieu de dessiner des lacets pour rejoindre le haut de la montagne!

  Apres 4 heures de temps nous n'avons avance que de 15km! Nous abdiquons et arretons un pick up, car a ce rythme-la nous allons passe au moins 5 jours pour rejoindre la prochaine ville... Nous rejoignons enfin Xayaboury, sans regrets de ne pas avoir effectue ce parcours qui s'est averre etre par la suite une piste infernale en travaux, avec des pentes toujours aussi severes!
Depuis Xayaboury nous pedalons vers l'Est, sur une piste sableuse, pour rejoindre la fameuse route 13. Une journee de plus de 100km passee a pedaler dans un epais nuage de poussiere, que les camions en partance pour, ou de retour de la Thailande soulevent... Nous sommes completement recouvert de poussiere...

   Apres moultes tergiversations nous avions choisis de retrouver le goudron et d'aller decouvrir les paysages karstiques qui bordent cette route centrale. Nous avions projete, au depart, de nous eloigner de la route principale et de poursuivre plus au Sud en longeant davantage la frontiere Thailandaise, mais la route est egalement en travaux. Ce qui devait faire le charme du pays pour le voyage a velo semble desormais desuet: Il y a dix ans, les pistes reculees du Laos devaient offrir a celui qui osait s'y aventurer de belles surprises, hors des sentiers battus. Aujourd'hui, le pays etant en plein developpement (?), les pistes ne sont plus que des routes poussiereuses ou tracto-pelles et autres gros engins travaillent au faconnage de nouvelles routes goudronnees, facilitant ainsi les echanges entre pays, et malheureusement annoncant par la meme, la destruction des minorites et autres cultures traditionnelles, polluees par la standardisation mondiale qui arrive ainsi a vitesse grand V... Rares sont les locaux vetus de leurs habits traditionnels. Meme si nous avons croise sur notre route quelques personnes vetues des habits Hmong (Habits colores ornes de pieces de monnaie francaise datant de 1905!), nous lirons plus tard que les costumes traditionnellement faits au Laos ont, pour la plupart, ete vendus a des etrangers (en quete d'exotisme!), et que les habits, portes maintenant seulement en periode de fete, proviennent................de Chine!!!

   Les quatre jours de velo qui nous permettent de rejoindre Vientiane ne seront finalement pas des plus faciles, meme si nous roulons maintenant sur de l'asphalte bien lisse... Cette partie du Laos est assez montagneuse. De sacrees grimpettes nous attendent, parfois entourrees de jungle dense, puis de formations rocheuses karstiques impressionnantes.

  Le temps n'est pas des plus clement, et du matin au soir nous baignons dans une humidite ambiante tres pesante (surtout vues les temperatures hautes). Autant aller pedaler dans un sauna! Les paysages se decoupent a peine dans cette brume constante. Cela cree parfois une atmosphere assez mysterieuse qui a quelque chose de charmant, les montagnes surgissant de cette brume epaisse, mais la plupart du temps nous ne profitons qu'a moitie de la nature environnante, pourtant tres belle...

  Sur notre route, nous faisons la connaissance de Daniela et Karine, deux cyclos suisses avec qui nous pedalons a plusieurs reprises jusqu'a Vientiane... De bons moments passes ensemble, et des echanges chaleureux que nous ne manquerons pas de renouveler a notre retour au bercail! Les filles preparez le fromage et le chocolat: On arrive!
   Durant notre trajet nous decidons de ne pas nous arreter a Vang Vieng. La ville est situee sur les bords de la Nam Song, au milieu d'un cadre naturel exceptionnel de montagnes karstiques. MAIS, Vang Vieng est un veritable paradoxe car au milieu de cette nature incroyable, la plupart des touristes ne sortent pas d'un circuit qui les menent de leur bar favori, ou ils s'allongent pour regarder leurs series favorites sur des teles bruyantes, a leurs emplacements de départ pour des bouees, fabriquees avec des chambres a air, sur lesquelles ils se laisseront flotter nonchalamment sur la Nam Song, et qui les ramenent au pied de leur bar! Karine et Daniela nous confirmeront que, la nuit, le village se transforme en une veritable boite de nuit geante, et la musiqueTechno envahit l'ensemble des bars et restaurants...
  Notre court passage dans la ville nous horrifie. Encore endormis de la nuit de "nigth clubber" passee quelques heures auparavant, la plupart des touristes se promene, vetus (peut-on reellement utiliser ce terme?) seulement d'un bikini ou d'un bout de maillot de bain trop etroit! Quelle image pensent-t-ils renvoyer aux habitants des lieux? Quelle idee les locaux peuvent-ils d'ailleurs se faire de l'"occidental", lorsque de tels comportements sont adoptes en leurs lieux? Nous laissons derriere nous ce village de decadence, honteux, abattus, en nous disant que la prochaine personne que nous allons rencontrer sur le bord de la route pourrait tout a fait nous associer a l'ensemble de cette gente...
   Depuis Vang Vieng jusqu'a Vientiane, les paysages seront assez changeants. Si nous pedalons parfois sur de vraies montagnes russes, et peu a peu nous perdons de l'altitude pour pedaler ensuite, le dernier jour dans une plaine agricole, ou les champs de riz sont de plus en plus jaunes, cuits par le soleil.

   Scenes rurales et scenes de travaux d'artisanat s'offrent a nos yeux sur le bord de la route.

   Nous profitons des stands de fruits qui bordent la route: Papayes, ananas, pamplemousses gigantesques, pasteques, fruits du dragon sont si appreciables sous cette chaleur accablante...

  Nous faisons ainsi le plein de vitamines pour compenser les repas bien maigres que nous trouvons sur la route. Mis a part dans les grandes villes, les echoppes ne vendent que de rares (et mauvais) sodas, quelques biscuits secs et paquets de chips. Deux sortes de repas sont envisageables dans les boui-bouis: Soupe de pates de riz agrementee de morceaux de viande ou poisson, ou viande grillee au barbecue avec riz gluant...
Arrives a Vientiane, nous remarquons une fois de plus que, la ou le touriste est suceptible de s'arreter, les magasins sont bien mieux achalandes... Ici on trouve meme du fromage! (Mais a quel prix...?) Des disparites qui nous questionnent toujours sur la place que nous pouvons avoir en voyage, sur l'impact que nous produisons du fait de notre presence... Mais s'il y a bien une chose qui ne se paye pas et que nous avons partage avec les locaux depuis notre arrivee au Laos, c'est ces kilos de sourires gratuits, qui nous ont davantage nourris que ce que l'on a pu trouver ou non dans notre assiette!