De Garze a Dege

  Quelques jours a Ganze nous ont permis de nous reposer et de profiter des belles vues, depuis les hauteurs du monastere qui domine la vallee, sur les sommets enneiges qui entourent la ville. Un repis bien utile en prevision de ce qui nous attendait sur la suite de la route. Rien a voir cependant avec ce qu'endurent les moines que nous croisons sur la route, qui partis il y a deja cinq mois d'Aba, allongent leur corps contre le goudron et se prosterneront ainsi jusqu'a Lhasa... Ils nous expliquent qu'il ne leur reste plus qu'un an de route avant de rejoindre la ville sainte... Cette pratique force une fois de plus le respect, et nous leur lancons des "Good luck" avant de nous eloigner pour monter en altitude toute la journee.

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  La route decrit une serie de bosses aux pentes tres inclinees. Les jambes sont lourdes et demanderaient davantage de repos plutot que d'etre ainsi mises a rude epreuve... Les nuages qui obstruent le ciel nous laissent malgre tout appercevoir de temps en temps de hautes sommets enneiges. Nous longeons cette grande chaine de montagnes, celle qu'il faudra franchir deux jours apres pour rejoindre Dege.

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  Apres avoir campe dans la descente du col passe la veille (4150m), nous descendons dans une jolie vallee boisee et rejoignons la ville de Manigango, ou l'ambiance touristique ne nous plait pas. Aux alentours de cette ville les enfants accourent vers nous et nous reclament des bonbons, avant meme de nous saluer... Atmosphere et facons de faire polluees par le tourisme et ses mefaits... Nous n'avions pas, fort heureusement, ete confronte a cela jusqu'a present lors de ce voyage: Rassurons-nous en nous disant que les regions que nous avons traversees sont encore bien preservees de ce genre de choses. Nous plantons notre tente au bord d'un grand lac sacre entourres de rochers graves de prieres. Le temps est decidemment hivernal, et la neige ne se fait pas attendre longtemps.

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  Au reveil tout est recouvert d'un beau manteau blanc. Quelques rares eclaircies nous permettront de profiter pendant la journee de ce paysage de montagne fabuleux, mais le temps ne sera pas des plus favorable pour franchir le fameux col "Trola" qui culmine a 5050m d'altitude. De notre campement, un peu plus de trente kilometres nous separent du col. Nous mettrons environ sept heures pour le rejoindre, grignotant peu a peu les metres et les kilometres. La piste est relativement bonne au depart, mais avec l'altitude, l'air devient de plus en plus rare, nos efforts s'accentuent, nos muscles se raidissent, nos poumons se retressissent. Ca monte, ca monte.

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  Et il pleut. Il fait froid. Mais il faut bien continuer, avancer. Chaque tour de roue nous rapproche de ce 5050. Cinquante/cinquante? Ok, alors 50% d'effort pour 50% de recompense avec vue sur les montagnes si on arrive en haut? L'enjeu en vaut la chandelle, alors on s'accroche et on pedale, doucement mais surement, meme si par moment, dans la montee, on oublie le pacte que l'on vient de passer avec ce monstre de pierre et qu'on se demande pourquoi on ne prendrait pas 100% de confort au coin d'une cheminee, a siroter un bon chocolat chaud...Et puis apres le decouragement, la hargne nous regagne. On voit la progression sur le compteur et on se dit qu'on va y arriver quand-meme... On grignote quelques fruits secs, l'estomac ne desirant rien d'autre a cause de l'altitude qui nous coupe la faim.

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  On enchaine les lacets en evitant les camions qui montent et descendent sur cette route etroite. On essaye d'oublier ceux qu'on a vu en bas, ecrases au fond du ravin, on se concentre sur notre respiration en tentant d'oublier les touristes chinois qui, par bonne intention nous saluent du haut de leur 4x4 chauffe et douillet, et attendent en retour que nous leur hurlions des "Heeelooooo", mais le souffle court nous ne pouvons repondre a ces appels... Apres la pluie vient...la neige. La piste devient de plus en plus boueuse. Il faut s'accrocher davantage, adopter un rythme encore plus lent, et gerer son effort en tentant de ne pas s'embourber. Et puis, nous atteignons le col. Plus de 5000m d'altitude. Nous sommes les premiers etonnes a etre la. C'est la premiere fois que nous franchissons cette barre d'altitude a velo. Et la montagne ne nous a pas menti: 50% de soleil arrive pour nous donner a voir 100% de magie blanche sur les sommets qui nous font face...

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 C'est 200% heureux que nous emplissons notre memoire de ces images avant d'entamer de l'autre cote une descente vertigineuse dont nous ne verrons que le debut, pris dans une tempete de neige, de grele, et dans un epais brouillard!

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  Apres avoir passe une nuit au milieu des sapins, a 4300m, et mange une boite de creme de marron ammenee de France pour feter notre passage (cachee dans une de mes sacoches depuis notre depart) nous reprenons la route sous la neige. Il fait toujours aussi froid:Doudoune, gants, bonnet, sur-chaussures, tout y passe. Nous nous laissons descendre dans une belle vallee boisee tres encaissee dans laquelle nous croisons des villages typiquement tibetains. D'immenses sechoirs en bois suportent des grappes d'orge ou des navets.

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  Et puis c'ets l'arrivee en ville. Dege est partagee en deux par la riviere qui la traverse.

  Le lendemain nous visitons la grande imprimerie de Dege ainsi que le monastere envahit ce jour par les locaux et des milliers de gens descendus des montagnes pour se faire benir par un grand Lama.

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  Nous assistons a la ceremonie et profitons visuellement des tenues de fete portees specialement par les femmes qui arborent des aparats spectaculaires: coiffes de turquoise et corail, longues tresses bien gominees, belles robes sombres, ceintures d'argent, amulettes...

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